Certains sont des leaders nés : dans les cours d’école, sur les pelouses des stades, on les désigne chefs de bande ou capitaine d’équipe — même un premier de la classe illustre une forme de leadership par l’admiration, parfois teintée de rejet, qu’il suscite. On peut aussi le devenir, même en début de carrière, voici comment.
« On peut être jeune, débutant et développer son leadership, d’abord en autoévaluant son niveau de leadership, puis, son envie d’être un leader », explique Vincent Giolito, consultant en leadership et stratégie, et chercheur à la Solvay Brussels School of Economics & Management. Cela tombe bien, pur produit de la Gen Y que vous êtes, vous voulez évoluer à peine entré dans l’entreprise. Si le contexte s’y prête, développer des capacités de leader pour y aidera — vous incarnerez ainsi une forme de leadership émergente, à savoir non attaché à un titre, un statut, un pouvoir.
Nous parlons bien de leadership, c’est-à-dire de la capacité à influencer et faire avancer les autres vers un objectif commun par ses attitudes et ses décisions, sans le confondre avec le management qui utilise des outils formels (une carotte, un bâton ; un bonus, une sanction) pour influencer, ou avec le pouvoir, qui permet de faire faire aux autres ce qu’ils n’ont pas envie de faire — une de ses formes du moins.
« Il est donné à tout le monde d’avoir une forme de leadership »
Ainsi, capable d’apporter une réponse technique à un problème donné, vous débloquez une situation ; votre leadership prend sa source dans l’expertise. Ou bien, vous êtes ce troisième larron qui intervient dans un duel et met d’accord les adversaires : votre leadership s’appuie sur vos qualités relationnelles. « Il est donné à tout le monde d’avoir une de ces formes de leadership et il est possible de les cumuler », précise notre interlocuteur.
Rien de tel que la prise de recul et la réflexion pour voir dans quel domaine vous avez de l’influence, avec qui, pourquoi et comment ; le quotidien envoie des signes qu’il s’agit d’analyser. Les différents feedbacks sur votre travail sont d’autres moyens de le savoir : « un jeune diplômé dans une entreprise très normée va par exemple recevoir une appréciation positive de son travail à la sortie d’une réunion ou d’une présentation », illustre-t-il.
Un signe qu’on a envie de leadership : le sentiment de frustration quand on est freiné
Certaines personnes préfèrent ne pas avoir d’influence et agir selon les directives données par leur hiérarchie. Mais si vous êtes de celles et ceux qui grincent quand on leur demande d’exécuter un point, c’est tout, il y a peut-être un leader en vous qui cherche à s’exprimer. « Le sentiment de frustration quand on est freiné, avec l’ambivalence qui souvent l’accompagne, doit être analysé », poursuit Vincent Giolito.
Ménagez-vous des moments d’introspection, demandez des retours sur votre travail et affinez en vous demandant quel degré, quel style de leadership, vous voulez avoir et dans quel but. Il faut élaborer un projet autour de cette envie, tenir un journal où l’on résume sa semaine peut y aider. De même que les outils de coaching, les stages et livres de développement personnel, les formations dites en « management », qui en fait poussent à développer son leadership. « La connaissance de soi (self-awareness) est fondamentale, car elle est la clef de la connaissance des autres »,souligne-t-il. Le contexte dans lequel vous évoluez joue. Le leadership est prisé dans l’entreprise collaborative, ou libérée, puisque « il faut des gens qui prennent en main des sujets pour les faire avancer et on a plus envie de travailler avec un project leader qu’avec un.e petit.e chef.fe » mais mal accueilli dans les environnements bureaucratique et autocratiques.
« On peut aussi développer son leadership en apprenant à se taire »
« Je n’ai pas de légitimité donc je me tais » : en tant que débutant, vous pouvez douter du bien-fondé de votre positionnement, privilégier le retrait à l’exposition et à la prise de parole qui engage. L’absence de légitimité est, pour notre interlocuteur, « l’excuse de ceux qui ouvrent volontiers leur parapluie, le prétexte à ne pas prendre une position de leader ; qui plus est, on peut aussi développer son leadership en apprenant à se taire, pour écouter les autres, ce qui est fondamental », pointe Vincent Giolito.
Celui qui se connaît mal, et n’a alors aucune idée de ses sources de leadership et de ses motivations, risque de se retrouver éjecté du système. Celui qui en a une bonne idée a des clefs pour y évoluer. Ou pour en sortir, mais c’est une autre histoire.