La transformation digitale n’est pas qu’une affaire de technologies, elle touche l’organisation de l’entreprise et remet en question les influences, particulièrement celles de la DSI et de la direction marketing.
Plusieurs choses, de l’ordre du pouvoir et de l’influence, se jouent dans la transformation digitale. En première lecture, on peut se dire qu’elle est du ressort de l’informatique, d’où la puissance des services IT, et qu’il est naturel que dans ce grand tout technologique, la direction des systèmes d’information (DSI) affirme sa prépondérance.
Il est dans l’ordre des choses aussi que lorsqu’un pouvoir s’exerce, un contre-pouvoir apparaisse. Dans le cadre qui nous intéresse, il prend le nom de Shadow IT, qui désigne les systèmes d’information qui existent au sein d’une organisation, mais échappent au contrôle de la DSI.
« Les vendeurs de technologies s’adressent aujourd’hui à la direction marketing »
Puis Internet est arrivé qui permet le téléchargement de logiciels métiers peu onéreux, voire gratuits, et tellement simples d’installation et d’utilisation qu’on peut se passer de la DSI pour s’en équiper. Ajoutons le phénomène BYOD (bring your own device) qui nous fait travailler avec nos propres outils, auxquels la DSI n’a pas accès et voilà ce contre-pouvoir renforcé, d’autant plus que l’on dispose d’une offre technologique « sur étagère » (« off-the-shelf ») sophistiquée et prête à l’emploi.
Ainsi, « les vendeurs de technologies s’adressent aujourd’hui à la direction marketing qui est donneur d’ordre quand il s’agit de tracer une audience, de mieux connaître ses cibles et ses clients, de faire du prédictif, d’établir des statistiques…, il arrive même que les directeurs marketing aient des budgets pour s’équiper de ces outils », explique notre interlocuteur. Sans oublier le bon vieux tableur Excel avec lequel on peut suivre des chiffres, importer et exporter des données, faire des macros, etc.
« La technologie a l’ambition d’être porteuse de l’innovation »
La DSI, qui ne peut plus aujourd’hui dresser un panorama de tous les logiciels utilisés dans l’entreprise, s’empare néanmoins d’autres sujets. Dans l’ancien schéma, la technologie concrétisait ce que le marketing pensait (des offres, des usages), c’est encore d’actualité, mais aujourd’hui, comme l’observe Emmanuel Stanislas, « la technologie a l’ambition d’être porteuse de l’innovation : elle grignote des prérogatives du commerce et du marketing et se dit qu’elle aussi va avoir des idées, donc les influences se rejouent à nouveau ».
L’ambition est justifiée, comme le prouve l’existence de modèles inspirants pour les informaticiens : aux États-Unis, les plus belles boîtes du Web ont toutes été fondées par des geeks, « dans un garage » comme dit la légende. Alors, où se trouve l’innovation de nos jours ? Ni à l’étage des SI ni à celui du marketing, pour la bonne raison que ce cloisonnement des fonctions n’a plus lieu d’être. « Chaque organisation va plus ou moins vite dans sa transformation, mais l’heure est à la prise de conscience de la nécessité de faire travailler ensemble des équipes dites agiles », ajoute-t-il. L’innovation, où est-elle ? Dans un maillage interdisciplinaire et dans l’ouverture à plusieurs influences.